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Le commentaire composé est une épreuve que les lycéens découvrent en classe de seconde et dont ils doivent maîtriser la méthodologie pour réussir le Baccalauréat de Français.

  Or, la méthodologie de cette épreuve n’est pas systématiquement expliquée, ce qui empêche les élèves de comprendre ce qu’il faut faire pour obtenir un bon résultat. J’ai donc mis au point un schéma suivi d’une explication détaillée de la marche à suivre pour réaliser un commentaire composé en bonne et due forme.

En guise d’illustration, nous nous appuierons tout au long de cet exposé sur un extrait du conte Candide écrit par Voltaire.

SCHEMA DU COMMENTAIRE COMPOSE

commentaire compose

TEXTE D’ETUDE

En approchant de la ville, ils rencontrèrent un nègre étendu par terre, n’ayant plus que la moitié de son habit, c’est-à-dire d’un caleçon de toile bleue ; il manquait à ce pauvre homme la jambe gauche et la main droite. « Eh, mon Dieu ! lui dit Candide en hollandais, que fais-tu là, mon ami, dans l’état horrible où je te vois ? — J’attends mon maître, M. Vanderdendur, le fameux négociant, répondit le nègre. — Est-ce M. Vanderdendur, dit Candide, qui t’a traité ainsi ? — Oui, monsieur, dit le nègre, c’est l’usage. On nous donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l’année. Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe : je me suis trouvé dans les deux cas. C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe. Cependant, lorsque ma mère me vendit dix écus patagons sur la côte de Guinée, elle me disait : ” Mon cher enfant, bénis nos fétiches, adore-les toujours, ils te feront vivre heureux, tu as l’honneur d’être esclave de nos seigneurs les blancs, et tu fais par là la fortune de ton père et de ta mère. ” Hélas ! je ne sais pas si j’ai fait leur fortune, mais ils n’ont pas fait la mienne. Les chiens, les singes et les perroquets sont mille fois moins malheureux que nous. Les fétiches hollandais qui m’ont converti me disent tous les dimanches que nous sommes tous enfants d’Adam, blancs et noirs. Je ne suis pas généalogiste ; mais si ces prêcheurs disent vrai, nous sommes tous cousins issus de germains. Or vous m’avouerez qu’on ne peut pas en user avec ses parents d’une manière plus horrible.

– Ô Pangloss ! s’écria Candide, tu n’avais pas deviné cette abomination; c’en est fait, il faudra qu’à la fin je renonce à ton optimisme.
– Qu’est-ce qu’optimisme ? disait Cacambo.
– Hélas ! dit Candide, c’est la rage de soutenir que tout est bien quand on est mal”.

 Et il versait des larmes en regardant son nègre; et en pleurant, il entra dans Surinam.

Extrait du chapitre XIX de Candide ou l’optimisme (1759) de Voltaire

I – GESTION DU TEMPS

L’épreuve de français du baccalauréat de français dure quatre heures. Il est préconisé de consacrer entre quarante-cinq minutes et une heure à la question de corpus (mineure), et environ trois heures à l’épreuve au choix, dissertation, commentaire composé ou écriture d’invention (majeure). Quinze minutes sont dévolues à la relecture afin de repérer les incorrections orthographiques, syntaxiques, logiques ainsi que les éventuels anachronismes.

Pour ce qui concerne l’objet de la présente étude, à savoir le choix du commentaire composé en majeure, la gestion du temps est la suivante :

  1. ½ heure : lecture de l’extrait et extraction des phénomènes remarquables ;
  2. Seconde ½ heure : au brouillon, rédaction de l’introduction, d’un plan détaillé, des passages de transition et de la conclusion ;
  3. 1h45 : au propre, rédaction de l’introduction, du développement (Topos/Idea) puis de la conclusion
  4. ¼ d’heure : relecture 

II – EXTRACTION DES PHENOMENES REMARQUABLES

Après avoir pris soin de lire à deux reprises le texte, il est temps de procéder à l’extraction des phénomènes remarquables : elle est la véritable condition initiale préfigurant la pertinence du commentaire composé. Par « phénomènes remarquables », nous entendons les éléments phrastiques que nous savons identifier comme participant du sens de l’extrait. Cette étape implique par conséquent une connaissance du bagage technique suffisant pour pouvoir identifier les futurs arguments dont nous aurons besoin.

  • Figures de rhétorique
  • Champs lexicaux
  • Temps des verbes
  • Syntaxe
  • Adjectifs
  • Adverbes
  • Connecteurs logiques
  • Registres
  • Pronom personnels
  • Mots en italique
  • Majuscules
  • Etc.
Dans l’extrait de Candide :

Dès la ligne 1, j’extrais deux occurrences du participe présent (« «en approchant », « n’ayant »), puis un passé simple (« ils rencontrèrent ») : l’usage de cette temporalité doit nous inciter à observer si le texte est intégralement rédigé au passé simple. Je passe d’une étude linéaire à une étude plus transversale : dès la ligne 2, j’observe un imparfait (« il manquait ») puis du présent à la ligne 3 sous la forme d’une question au style direct (« que fais-tu là ? »).

Par cette méthode, je suis plus à même d’embrasser le texte dans son ensemble et de déterminer pas la suite les deux axes que nous devrons intituler plus tard.

III – L’INTRODUCTION 

L’introduction se compose de quatre étapes:

  • Présentation de l’auteur
  • Présentation de l’extrait
  • Problématique
  • Annonce du plan
La présentation de l’auteur

La présentation de l’auteur peut se faire en une seule phrase, en s’appuyant sur les informations contenues dans le texte, à savoir la date de publication de l’oeuvre et une thématique remarquable. Pour le chapitre XIX de Candide, la date de publication de l’oeuvre (1759) est écrite en bas de page ; un thème remarquable de l’extrait est l’esclavage.

Voici donc une présentation de Voltaire réduite à sa plus simple expression:

Figure de la littérature du XVIIIème siècle, Voltaire s’est interrogé sur les dérives de l’esclavagisme.

On remarque que nulle mention historique n’est faite pour présenter Voltaire. Bien sûr, il est possible de remplacer le siècle par le courant esthétique auquel l’auteur est affilié, mais à la seule condition que vous soyez parfaitement sûr de cette information. Dans le cas contraire, cette présentation de Voltaire est amplement suffisante, d’autant plus que la proposition principale (« Voltaire s’est interrogé sur les dérives de l’esclavagisme ») est une assertion en relation avec l’extrait étudié.

La présentation de l’extrait

La présentation de l’extrait est une étape importante qu’il faut rédiger de la manière la plus simple possible en se posant les questions suivantes: quoi, qui, où, quand, pourquoi. Rédiger cette présentation peut se faire en une seule phrase.

Pour le chapitre XIX de Candide, voici les questions à nous poser au préalable:

Quoi? une rencontre entre deux individus
Qui? Candide rencontre un esclave dénommé Cacambo
Où? Dans une ville dénommée Surinam
Quand? Moment indéterminé
Pourquoi? Curiosité de Candide

De ces informations, Voici donc une présentation de l’extrait réduite à sa plus simple expression:

Dans un extrait de Candide (1759), le personnage éponyme va à la rencontre d’un esclave dénommé Cacambo dont les mutilations le surprennent; il engage avec lui la conversation pour obtenir des explications quant aux raisons de son état.

Cette présentation comporte le titre de l’oeuvre, la date de publication et un descriptif précis de l’évènement dont l’extrait rend compte.

La problématique

Une problématique est l’étonnement qui résulte de la lecture de l’extrait. Cet étonnement est une posture philosophique: à première vue, l’extrait étudié est un évènement unique. Pour le chapitre XIX de Candide, la rencontre de Candide et de Cacambo est proprement extraordinaire. En somme, la problématique doit rendre compte de notre étonnement.

Mais à y regarder de plus près, cet extrait n’entre-t-il pas en relation avec ma propre expérience? Bien sûr, je ne suis ni Candide, ni Cacambo; mais n’ai-je jamais, comme Candide, ressenti un tel choc face à une situation que j’ai jugée impensable, inacceptable? N’ai-je jamais, comme Cacambo, été victime d’une punition démesurée ? Par compassion vis-à-vis des personnages, je découvre que l’évènement unique dont l’extrait est le témoignage entre en relation avec moi-même, donc avec l’Humanité tout entière.

Voici donc une problématique qui montre mon étonnement préalable à ma prise de conscience:

En quoi ce dialogue singulier s’inscrit-il dans une réflexion sur la condition humaine? 

Cette problématique met d’abord en relief la dimension spécifique de l’évènement par l’adjectif « singulier » ; ensuite, elle souligne la portée universelle et anhistorique par le groupe nominal « une réflexion sur la condition humaine ».

L’annonce du plan

L’annonce du plan vise à préciser le cheminement qui va être suivi pour répondre à la problématique. Dans sa formulation, elle doit montrer que la portée universelle de l’extrait est cachée derrière sa singularité.

Voici donc une annonce de plan de l’extrait:

Derrière cette discussion qui bouleverse le personnage se profile la question du sentiment d’injustice. 

Le premier axe met à jour l’originalité de cette « discussion qui bouleverse le personnage ». Le second axe dévoile le problème existentiel, universel et anhistorique soulevé par leur discussion : le sentiment d’injustice, dont chaque être humain fait l’expérience, de tout temps et en tout lieu.

Modèles d’introduction

Voici l’introduction réduite a minima telle que nous venons de la formuler. Nous avons intégré des connecteurs logiques pour que chaque phrase cause la suivante.

Figure de la littérature du XVIIIème siècle, Voltaire s’est interrogé sur les dérives de l’esclavagisme. Précisément, dans un extrait de Candide (1759), le personnage éponyme va à la rencontre d’un esclave dénommé Cacambo dont les mutilations le surprennent; il engage avec lui une conversation pour obtenir des explications quant aux raisons de son état. En quoi ce dialogue singulier s’inscrit-il dans une réflexion sur la condition humaine? Derrière cette discussion qui bouleverse le personnage se profile la question du sentiment d’injustice.

Voici la même introduction, à la différence que la présentation de l’auteur est plus détaillée, nous appuyant sur les connaissances apprises en cours.

Figure emblématique de la Philosophie des Lumières, Voltaire a combattu l’intolérance sous toutes ses formes en s’inquiétant notamment des dérives de l’esclavagisme. Précisément, dans un extrait du conte Candide (1759), le personnage éponyme va à la rencontre d’un esclave dénommé Cacambo dont les mutilations le surprennent; il engage avec lui une conversation pour obtenir des explications quant aux raisons de son état. En quoi ce dialogue singulier s’inscrit-il dans une réflexion sur la condition humaine? Derrière cette discussion qui bouleverse le personnage se profile la question du sentiment d’injustice.

Conseil: ne mentionnez des éléments culturels que si vous êtes absolument certain de leur véracité. Dans la cas contraire, appuyez-vous sur la première version de notre introduction.

V – LE PLAN

Normalement, les enseignants de français déclarent à leurs élèves qu’un plan de commentaire composé peut se structurer en deux ou trois axes. Pour le troisième axe, un argument est de dire que si l’élève est plus « inspiré », il peut en développer un. Pour ce qui nous concerne, nous pensons qu’il est plus simple et plus logique de suivre systématiquement un plan en deux axes et de ne pas se fier à son « inspiration » pour en élaborer un troisième.

Topos : Le premier Axe

τόπος (topos) est un terme grec qui signifie « lieu », « endroit ». Nous avons choisi ce terme grec plutôt que le mot allemand Ereignis, qui signifie « évènement »,  parce que le mot Topos est souvent employé en cours de français. De toute façon, Topos fait écho à l’Ereignis car il signifie la production d’un évènement unique et extraordinaire.

Pour tout texte littéraire, trouver le Topos est très simple, à condition d’accepter l’idée que le texte est étonnant: en tant qu’évènement jusqu’alors étranger à mon existence, je dois me demander ce qu’est ce texte: quoi, qui, où, quand, pourquoi sont les questions que je dois me poser.

Idea : Le second axe

ἰδέα (idea) est une terme grec qui signifie « idée ». Nous avons choisi ce terme grec parce qu’il rend compte du fait que le deuxième axe est le dévoilement de la vérité, ἀλήθεια (Alètheia). Nous insistons sur l’idée que l’enjeu du second axe d’un commentaire composé ne peut être trouvé immédiatement : il résulte de mon identification progressive du Topos. Idea se découvre une fois Topos compris.

Pour tout texte littéraire, déterminer Idea est donc plus difficile, à condition d’accepter l’idée que derrière la singularité du texte se joue l’humanité tout entière. En somme, c’est par compassion que je trouve l’idée universelle qui se trame derrière l’extrait. Par « compassion », nous entendons la compréhension des passions qui sont en jeu lors de l’évènement auquel j’assiste comme lecteur/spectateur. Pour le chapitre XIX de Candide, notre compassion pour Candide et pour Cacambo nous permet de comprendre que le sentiment d’injustice est au coeur de l’extrait : c’est un sentiment universel et anhistorique, que l’on ressent lorsque le destin semble s’acharner sur soi ou sur quelqu’un d’autre.

Nous le voyons, réussir un commentaire composé implique de se connaître soi-même pour découvrir l’enjeu du second axe. Le commentaire composé est donc moins une épreuve de culture générale qu’une épreuve hautement philosophique.

VI – L’ARGUMENTATION  

Comme le montre notre modèle, chaque axe (Topos et Idea) comporte trois sous-parties, qui sont des paragraphes argumentés. Chaque paragraphe argumenté est structuré de la même manière, à savoir l’enchaînement de trois systèmes argumentatifs. Chaque système argumentatif est structuré de la façon suivante :

  • une idée directrice
  • un exemple
  • une analyse
L’idée directrice

Une idée directrice est une information que je pose comme vraie. Pour le premier paragraphe du Topos, je pose l’idée directrice suivante.

Candide tombe stupéfait en voyant un esclave aux mutilations manifestes, auquel « il manquait […]la jambe gauche et la main droite». 
L’exemple et l’analyse

Une idée directrice, pour être valable, doit être soutenue par des faits. Dans un commentaire composé, il est essentiel de soutenir une idée directrice par un exemple tiré du texte. Pour justifier l’idée directrice que nous venons de poser, voici ce sur quoi nous pouvons nous appuyer:

La proposition exclamative « Eh, mon dieu! » souligne son étonnement mêlé d’effroi.

La preuve sur laquelle nous venons de nous appuyer (« la proposition exclamative ») est aussitôt analysée (« souligne son étonnement mêlé d’effroi »). Précisons qu’il est essentiel que l’exemple soit de nature technique : figure de rhétorique, adjectif, adverbe, pronom, champs lexical, adverbe, verbe, temps des verbes, syntaxe, ponctuation, etc.

Modèle de système argumentatif

Le premier système argumentatif du premier paragraphe argumenté en Topos est le suivant:

Candide tombe stupéfait en voyant un esclave aux mutilations manifestes, auquel « il manquait […]la jambe gauche et la main droite» (L2): la proposition exclamative « Eh, mon dieu! »(L3) souligne son étonnement mêlé d’effroi.

En enchaînant deux autres systèmes argumentatifs pour soutenir l’idée directrice principale que nous avons posée initialement, nous obtenons un premier paragraphe argumenté. Le jeu consiste à répliquer cette mécanique ternaire pour chaque paragraphe argumenté.

VII – LA CONCLUSION

La conclusion se compose de deux étapes:

  • Bilan de Topos et d’Idea
  • Ouverture
Bilan de Topos et d’Idea 

Une conclusion consiste à faire le bilan de ce qui a été découvert en Topos et en Idea. Or, en introduction, nous avons annoncé de façon concise ce que nous allions rechercher: « Derrière cette discussion qui bouleverse le personnage se profile la question du sentiment d’injustice. » Par conséquent, nous pouvons nous appuyer sur la syntaxe de l’annonce du plan pour rédiger la conclusion.

Voici le bilan de la conclusion du commentaire composé du chapitre XIX de Candide:

A partir d’une discussion au cours de laquelle Candide prend conscience des insuffisances de la philosophie optimiste de Pangloss, Voltaire soulève en fait la question du sentiment d’injustice qui résulte d’une expérience traumatisante, où l’innocence est perdue à jamais. 

On remarque que pour formuler cette conclusion calquée sur l’annonce du plan, nulle référence n’est faite à l’histoire littéraire. De plus, en une seule phrase, nous avons réussi à résumer ce que nous avons mis à jour dans notre développement.

Ouverture

L’ouverture consiste à mettre en relation le texte étudié avec un autre texte littéraire. Le jour du baccalauréat, vous disposez d’un corpus de textes. Chaque texte du corpus est nécessairement lié aux autres par un thème commun. Aussi, une ouverture de commentaire composé consiste à trouver ce thème commun et à constater la proximité de traitement ou la différence.

Voici une ouverture où le texte de Montesquieu, « De l’esclavage des nègres », fait partie du corpus:

Le chapitre XIX de Candide peut être mis en relation avec « De l’esclavage des nègres » de Montesquieu, à la différence que ce dernier s’appuie sur un raisonnement absurde pour dénoncer les travers de l’argumentaire esclavagiste. 
Modèle de conclusion 

Voici la conclusion réduite a minima telle que nous venons de la formuler. Nous avons intégré un connecteur logique pour que la première phrase cause la suivante:

A partir d’une discussion au cours de laquelle Candide prend conscience des insuffisances de la philosophie optimiste de Pangloss, Voltaire soulève en fait la question du sentiment d’injustice qui résulte d’une expérience traumatisante, où l’innocence est perdue à jamais. En cela, ce chapitre XIX de Candide peut être mis en relation avec « De l’esclavage des nègres » de Montesquieu, à la différence que ce dernier s’appuie sur un raisonnement par l’absurde pour dénoncer les travers de l’argumentaire esclavagiste.

David Jarousseau