Skip to main content

« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement / et les mots pour le dire viennent aisément », a dit Boileau. Une prise de parole en public réussie implique donc de structurer son propos pour que le message adressé à l’auditoire soit bien compris.

Or, sous l’effet de la pression, notre parole peut être corrompue par ces sons parasites que nous n’aimons pas et dont nous ne voulons pas: « Ben », « euh », « effectivement » « en fait », « donc » : ce sont ces sons qui altèrent la crédibilité du message que nous portons. L’attention et l’intérêt de l’auditoire diminuent quand ces sons se répètent, quand nous bafouillons et quand les mots peinent à s’organiser.

Dorénavant, pour énoncer clairement notre propos, nous allons accorder de l’importance et de l’espace au silence. La respiration, l’élocution et la réflexion sont les trois points qui expliquent que le silence est nécessaire pour que notre communication verbale gagne en clarté.

Communication et respiration

Notre communication perd en puissance si nous oublions de respirer. Sans souffle, nous ne parlons pas suffisamment fort pour nous faire entendre; sans souffle, notre parole est sans musique, linéaire, dévitalisée. Alors, plutôt que de meubler notre discours de ces sons parasites dont nous avons parlés plus haut, profitons-en pour nous taire un instant.

Pendant ce court instant de silence, reprenons notre souffle. Inspirons suffisamment avant de reprendre le fil de notre discours. Profitons-en pour nous détendre et regagner en confiance. Reprenant notre souffle, nous voilà prêts à projeter notre voix le plus loin possible pour la faire gagner en hauteur et en puissance. Alors, le silence insuffle une haleine de vie à notre parole, et les mots qui sortent de notre bouche se chargent d’une signification nouvelle.

Communication et élocution

Notre communication perd en puissance si nous négligeons l’importance de l’élocution. Or, avoir une  diction claire, prononcer les mots en les articulant correctement et en les organisant régulièrement, voilà ce qui nous permet d’améliorer l’impact de notre discours sur l’auditoire. Le silence nous rappelle que nous ne devons pas manger les mots: en assumant les silences, nous laissons les mots résonner, les laissons se faire entendre pour nous faire bien comprendre.

Pendant ce court instant de silence, soyons concentrés sur chaque mot qui va venir. Rappelons-nous que les silences sont autant de virgules et de points produisant un effet de structure à notre discours. Grâce au silence, qui est la forme prise par la syntaxe à l’oral, qui donne vie, sens et énergie au discours, les mots prennent effet et prennent corps entièrement.

Communication et réflexion

Notre communication perd en puissance si nous ne nous servons pas de ces instants de silence pour réfléchir. Or, le silence est précisément l’instant pendant lequel nous pouvons nous concentrer sur l’orientation prise par notre discours. Alors, profitons du silence instauré par notre diction pour que l’auditoire assimile ce que nous avons dit pendant que nous réfléchissons à ce que nous allons dire.

Pendant ces courts instants de silence, rappelons-nous à qui nous parlons. L’auditoire doit être pris en compte pour choisir les mots qui vont rencontrer un écho favorable et ceux qui risquent, au contraire, de provoquer une réaction d’hostilité. C’est notre intelligence qui doit nous dicter ce que nous pouvons dire, qui doit nous signifier jusqu’où les limites de la parole peuvent être poussées.

*

De tout ce qui précède, gardons en mémoire que ces silences que nous assumons sont des moments où se forgent notre légitimité, mais pendant lesquels nous risquons aussi de nous faire interrompre. Ces silences doivent donc être mesurés pour qu’ils ne nous soient pas défavorables.

Alors, quand nous aurons appris à mesurer nos silences, c’est que nous saurons enfin mesurer l’impact d’un discours et parler avec pondération. Et que nous aurons pris conscience qu’il est préférable de nous taire plutôt que parler mal à propos : « celui qui sait ne parle pas. Celui qui parle ne sait pas », a déjà dit Lao-Tseu.

David Jarousseau