Dès la classe de seconde, chaque élève apprend qu’il est indispensable de consacrer du temps à l’élaboration d’un plan structuré avant de conduire une réflexion cohérente.
En classe de Littérature, l’élève réalise des plans en deux ou trois axes avant de rédiger un commentaire composé; en Histoire, il réalise des plans « chrono-thématiques »; en Géographie, des plans analytiques; en Philosophie, des plans dialectiques.
En France, un élève apprend qu’il faut réfléchir avant d’agir, en tous lieux et en toutes circonstances. Surtout qu’il ne s’aventure jamais dans une pensée sauvage, organique, chaotique! Pas d’improvisation. Tout doit être sous contrôle. Tout doit avoir une explication. Rien ne doit être laissé au hasard.
A l’école, dès le plus jeune âge, on apprend à craindre l’incertitude.
Il faut pourtant l’aimer, l’incertitude! Ce n’est pas un verrou, bien au contraire! C’est une clé qui ouvre grand les portes de l’apprentissage et du perfectionnement; c’est la clé des champs de possibilités infiniment vastes et insoupçonnées.
D’ailleurs, dans un monde devenu complexe et où tout s’accélère, il n’est plus possible de privilégier le temps long de la réflexion comme préalable à l’action. Désormais, sans cesse le temps presse et joue contre soi. Pour décider dans l’urgence et dans l’incertitude, il faut enseigner dès le lycée à penser activement dans le « brouillard », comme l’écrivait le stratège militaire Carl von Clausewitz. Oui, il faut enseigner à penser plus sauvagement, plus vite, sans plan préalable; enseigner qu’il faut croire plus fort en ses chances de victoire qu’en ses chances de défaite; que le droit à l’erreur est également un devoir.
Or, qu’appelle-t-on “penser”?
Le produit mystérieux de la connaissance, de l’imagination totale, de l’incertitude et de l’ignorance.
Le général Dwight Eisenhower, qui a dirigé avec succès l’opération « Overlord » pendant la Seconde Guerre mondiale, déclarait: « Plans are nothing. Planning is everything». Humble devant l’incertitude, lucide devant les chances de succès: voilà comment désapprendre à vouloir tout contrôler. Voilà comment réconcilier la pensée et l’action. La pensée dans l’action.
David Jarousseau